Yannick Letellier : « Espérer contre toute espérance »
Le 24 juin 2018 à 15h, notre diocèse va vivre un événement exceptionnel avec l'ordination de trois nouveaux prêtres, en la Cathédrale de Tournai. À quelques semaines de ce grand moment, ils ont accepté de se prêter au jeu de l'interview. Rencontre avec Yannick Letellier.
Yannick Letellier est originaire de Maffle, près d'Ath. Âgé de 38 ans, Yannick est gradué en gestion informatique. Pour son insertion pastorale, il a été accueilli dans l'Unité pastorale du Val d'Haine par le Père Etienne Ntale et la communauté des Barnabites.
Comment est née votre vocation ?
J'ai été confirmé le jour de la reconnaissance des apparitions de Notre-Dame de Laus ; je l'ai pris comme un signe. Je me souviens d'un moment précis, lors d'un pèlerinage à Paray-le-Monnial, où je me suis demandé : « Jusqu'où suis-je prêt à aller ? »
Pendant un an, j'ai rencontré régulièrement un prêtre pour lui parler de ma vocation. Un jour, il m'a dit : « Tu dois faire un pas ». C'est lors d'une retraite de Saint-Ignace de Loyola que j'ai réalisé que je voulais me diriger vers le sacerdoce. À ce moment, j'ai ressenti une grande joie, suivie d'une grosse angoisse : comment l'annoncer à ma famille ?
Justement, comment a réagi votre entourage à cette nouvelle ?
Je n'ai pas osé l'annoncer tout de suite à mes grands-parents – ma mère étant décédée. Lors d'une rencontre avec le père Guy Gilbert, celui-ci m'a dit : « C'est une histoire d'amour entre toi et l'Eglise, ta famille n'a rien à dire. À qui veux-tu faire de la peine ? À Jésus ou à ta famille ? ».
Après avoir hésité un certain temps, j'ai fini par leur annoncer que je rentrais au Séminaire. Leur réaction a été immédiate : « Ta vie est foutue ». Ils craignaient que je ne sois pas heureux. Petit à petit, ils ont fini par l'accepter, même s'ils n'étaient pas d'accord.
Dans le monde actuel, quel genre de prêtre voulez-vous devenir ?
Un prêtre au milieu des gens, sans barrières entre eux et moi. Je ne viens pas d'un milieu chrétien, je peux comprendre plus de choses. Je veux être à l'écoute des gens, sans les ennuyer avec une doctrine morale. Je dis toujours : « Je suis joignable tout le temps, sur mon GSM, 7j/7 , 24h/24 ». Je veux être quelqu'un de disponible.
Le christianisme doit s'insérer dans le monde actuel. Il faut s'informer, voir ce que le magistère nous dit sur l'un ou l'autre sujet. Il faut toujours respecter l'avis de l'autre.
Quel message souhaiteriez-vous envoyer à un jeune qui hésite à s'engager ?
Que c'est normal de douter. À moins d'être élevé dans un milieu catholique, cela peut être flippant. Si Dieu nous appelle, ce n'est pas pour nous rendre malheureux. Il faut avancer à son aise, ne pas se précipiter. Je conseille de parler à quelqu'un qui sait ce qu'est la vocation. Si on garde tout enfermé, le discernement ne peut pas avoir lieu. C'est comme une pièce plongée dans le noir, il faut une lampe qui aide à voir clair.
À un mois de votre ordination (ndlr : le jour de notre interview), comment vous sentez-vous ?
Je me sens comme une bouteille de champagne dont le bouchon est prêt à exploser. Le temps passé au Séminaire a parfois paru long. Plus j'approchais du but, plus je me disais : « Je vais y arriver ». Mais jusqu'à l'ordination diaconale, je me disais encore « Je n'y arriverai pas ! ». Évidemment, il reste un questionnement : Où vais-je aller ? Quel type de pastorale vais-je exercer ? Mais je reste confiant : Dieu, c'est comme un père devant un enfant qui est tombé, il l'encourage à se relever, et s'il n'y arrive pas, il l'aide. Si je suis respecté pour ce que je suis, ce sera le plus grand acquis.
Il y a une phrase de Marthe Robin que j'aime beaucoup : « Le passé, c'est le passé, il faut le dépasser ». Et j'ajouterai : « Je m'occuperai de demain quand il s'appellera aujourd'hui ! ». « Espérer contre toute espérance », c'est ma devise !
Propos recueillis par Marie Lebailly
Lire aussi
Simon Naveau : « Mettre Dieu au centre de ma vie »
Pascal Cambier : « Appelé à être dans le monde »
-
Créé parDiocèse de Tournai
-
Tags