Prier pour la disparition du coronavirus, n’est-ce pas de la superstition ? - Abbé Michel Van Herck
« En invitant à prier Dieu pour que cesse l'épidémie, l'Eglise n'encourage-t-elle pas la superstition ? » me demandait quelqu'un.
Il est clair que si nous pensons que la prière va agir en dispensant l'homme de toute réflexion et de toute action, c'est de la superstition.
En effet, comme l'enseigne la philosophie et la théologie classique, Dieu n'agit pas habituellement en direct. Dieu, qui est la « cause première », agit ordinairement par les « causes secondes », c'est-à-dire au travers des médiations qu'il a mises à notre disposition, notamment par l'action des hommes. Certes, Dieu puisqu'il est Dieu, peut passer outre et agir de manière extraordinaire. C'est le cas pour ce que nous appelons les miracles.
Nous affirmons dans la foi que Dieu est créateur. Il a créé l'univers et l'a remis entre nos mains. Puisqu'il nous a doté, nous les hommes, d'une intelligence et d'une volonté, nous avons à les utiliser « pour lui rendre gloire, le respecter et le servir » comme le dit saint Ignace de Loyola (Principe et fondement, Exercices spirituels n° 23).
Nous ne serions pas respectueux de Dieu et de l'homme et nous nous comporterions de manière irresponsable si nous ne cherchions pas à analyser, à comprendre, à décider et à agir dans les situations auxquelles nous sommes confrontés.
La vraie prière est à l'image de celle de Salomon à qui Dieu avait demandé ce qu'il souhaitait et qui lui avait répondu : « Donne-moi un cœur plein de jugement pour gouverner mon peuple, pour discerner entre le bien et le mal » (1R 3, 9) et Dieu lui avait alors dit : « Puisque tu as demandé sagesse et savoir pour gouverner, la sagesse et le savoir se sont données » (2Ch 1, 11 – 12). Beaucoup de psaumes évoquent la sagesse que nous avons à demander à Dieu et qu'il nous donne, par exemple : ps 50, 8 ; 103, 24 ; 135, 5 ; 118, 73. 125. 169).
Dieu n'agit donc pas à la manière d'un magicien, comme l'exprime bien Tertullien (un penseur chrétien des 2e-3e s) dans son Traité sur la prière, extrait proposé dans l'office des lectures de ce troisième jeudi du carême :
« La prière chrétienne [...] ne place pas au milieu de la fournaise un ange porteur de rosée ; elle ne ferme pas les gueules des lions [NDLR : allusion à Daniel dans la fournaise et dans la fosse aux lions (Dn 3, 46 ; 6, 28 ; 14, 34. 42)] ; elle n'apporte pas aux affamés le repas des moissonneurs. Elle n'écarte aucune souffrance par un bienfait particulier : elle forme par la patience ceux qui pâtissent, qui souffrent et qui s'affligent, développe la grâce par son efficacité pour que la foi sache ce qu'elle peut obtenir du Seigneur, en comprenant qu'elle souffre pour le nom de Dieu » (Tertullien, Traité sur la prière)
Prier pour demander la délivrance du fléau que constitue le coronavirus implique d'abord que nous nous en remettions à Dieu dans la confiance, mais également en même temps que nous appliquions notre intelligence et notre volonté pour faire face aux événements.
Il s'agit donc de prier en nous efforçant de comprendre comment cette maladie se répand, et en prenant les mesures qui nous sont édictées par le monde scientifique et politique, de manière à éviter d'être malade ou de contaminer les autres.
Prions donc pour ceux qui travaillent à notre protection : les scientifiques, les soignants.
Agissons également en posant de petits gestes de solidarité à l'égard des autres, comme le font bien des personnes aujourd'hui : depuis les manifestations de sympathie à l'égard des isolées (en tenant compte des règles de prophylaxie), jusqu'à des actions de garde d'enfants des travailleurs, de courses faites pour les personnes âgées, de réalisation de masques de protection, de dons financiers aux œuvres de protection des plus fragiles, aux hôpitaux sous-équipés...
Pour agir, Dieu ne dispose ordinairement que de nos mains.
Oui, il faut nous en remettre à Dieu, mais avec intelligence et sagesse.
Abbé Michel Van Herck
-
Créé parDiocèse de Tournai