Beaumont : échos d'un pèlerinage-prière "antivirus"
Apprenant que nous n'allions plus pouvoir célébrer en communauté dans nos lieux de culte, et voyant que ceux-ci pouvaient rester ouverts pour la prière personnelle tout en gardant les distances demandées, l'abbé Xavier Huvenne, curé de l'UP de Beaumont, a pris son bâton de pèlerin pour aller prier du 1er au 17 avril 2020 dans chacune de 17 églises de son unité pastorale. Il nous fait le récit de son pèlerinage.
Un schéma de prière identique
Il me fallait donner une structure à ces temps de prière en laissant une grande place au silence.
La fourchette-horaire étant de 14h à 17h, nous avions trois heures pour vivre une belle rencontre avec le Seigneur.
En voici le déroulement :
14h : prière des nones (office du milieu du jour)
14h30 : écoute de la première lecture du jour
14h45 : écoute du psaume du jour
15h : écoute de l'évangile du jour suivie d'un temps de lectio divina
15h30 : prière du chapelet
16h : oraison (prière silencieuse)
16h30 : prière des vêpres suivie de la récitation d'une prière à sainte Aldegonde, saint Roch et saint Damien de Molokaï.
L'accueil
Vers 14h, et après avoir salué à distance le sacristain ou la sacristine du lieu, j'installe ma petite bannière de saint Damien de Molokaï dans le chœur de l'église. Elle sera le symbole de ces veillées atypiques durant ce temps de pandémie. Je dispose ensuite sur une table au fond de l'église, des livres de 'Prière du temps présent' qui vont nous aider à prier les nones et les vêpres.
A côté, je dépose quelques triptyques pour prier le rosaire, ainsi qu'un nouveau triptyque créé pour l'occasion et intitulé 'Prier en temps de Coronavirus'. J'y ajoute une boîte à intentions de prière, des marqueurs de l'action Damien et des petits papiers. Tout est prêt pour commencer la prière.
Prier en équipe de prêtres avec quelques paroissiens
Ma joie fut grande de voir arriver chaque jour mon confrère l'abbé Roger Maloir, qui a fait le choix de venir vivre ces moments en équipe, une fraternité sacerdotale si importante en ces temps de solitude. Et jamais nous ne nous sommes trouvés tout seuls à prier. Chaque fois, quelques personnes sont venues se joindre à nous (entre une et neuf !). Chacun a pris la précaution de garder la distance demandée pour vivre au mieux ce moment de rencontre avec le Seigneur. La veillée était ouverte, c'est-à-dire qu'on pouvait arriver et partir quand on le voulait. Et lors de cette tournée missionnaire, il ne faut pas oublier tous ceux et celles qui priaient en confinement chez eux en même temps que nous. A partir du dimanche de Pâques, nous avons allumé le cierge pascal pour manifester le Christ ressuscité.
Quelques perles à relever
Durant ces 51 heures de prière, je relève quelques petites perles, qui resteront gravées dans mon cœur.
Je me souviens de cette dame venue avec son petit chien à l'église. Dès leur arrivée, le chien est venu vers moi un peu comme pour me saluer. Il a été remarquable puisqu'il n'a dérangé personne durant la prière.
Je me souviens aussi de ce jeune couple qui, voyant l'église ouverte, est venu s'asseoir quelques minutes au fond de l'église pour s'y recueillir. C'était l'occasion pour moi de porter dans la prière
les fiancés qui envisagent de se marier religieusement cette année et qui se posent des questions sur la concrétisation de leur projet.
Et puis, cette dame âgée, venue faire brûler une bougie devant des statues de saints.
Et encore, ce monsieur venu avec un peu de buis dans les mains et qui s'en est retourné chez lui avec cette branche "bénite" qu'il va sans doute accrocher à son crucifix en souvenir du dimanche des Rameaux.
Durant la semaine sainte
Au cœur de ce pèlerinage-prière, il y avait la semaine sainte. Il était intéressant d'approfondir les magnifiques lectures de ces offices. Nous disposions de livrets offerts par 'Prions en Eglise' pour méditer la Parole et la laisser germer dans nos cœurs. Le diocèse de Tournai venait justement de publier une fiche pratique pour aider à vivre un temps de lectio divina. Quelle grâce ! Je pensais à toutes les communautés monastiques qui vivent ce temps chaque matin au sein de leurs abbayes, sans oublier les personnes qui la vivent souvent chez eux. Le vendredi saint, nous avons médité le chemin de croix dans l'église qui nous accueillait ce jour-là. Durant le triduum pascal nous nous retrouvions, l'abbé Roger et moi-même, à l'église de Beaumont pour l'enregistrement des offices qui seraient diffusés sur la radio locale Salamandre. Bref, ce fut vraiment une semaine sainte pas comme les autres, mais tellement riche en découvertes.
Prendre le temps de prier
Pour terminer, je dirais que je n'ai jamais autant prié que durant ces 17 jours, tant quantitativement que qualitativement. Alors que bien souvent comme prêtres, nous avons du mal à trouver de la place pour la prière dans notre travail pastoral, cette mission itinérante de prière a permis de prendre du temps pour l'essentiel. Je ne pouvais pas dire "Je n'ai pas le temps". L'agenda étant presque vide, il y avait ce grand rendez-vous de l'après-midi avec le Seigneur. La matinée, chez moi, était consacrée aux laudes et à la célébration de l'eucharistie en communion avec tous ceux dont je suis le pasteur et qui ne peuvent plus communier. Je prenais ensuite le temps de publier sur ma page Facebook l'évangile du jour, ainsi que la vidéo de la messe du pape avec en commentaire quelques mots de son homélie. Lors d'un échange sur les réseaux sociaux, je disais avoir été heureux de pouvoir quand même célébrer les offices de la semaine sainte en cercle fermé dans une église mais qu'il me manquait la communauté. Voilà ce qui est le plus difficile à vivre en ce moment pour de nombreux prêtres. Que le Seigneur soit notre force et notre joyeuse espérance en ces moments d'épreuve que nous traversons.
L'abbé Xavier Huvenne
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Créé parDiocèse de Tournai