A Frasnes-lez-Anvaing, à quelques kilomètres de Tournai, se trouve une ferme plutôt atypique : la ferme de la Rigaudière. Ici, on vit bio, on pense « circuits courts et zéro déchet », on rêve production durable et on se laisse guider par « Laudato Si' », le cri d'alarme lancé en 2015 par le pape François pour la sauvegarde de notre maison commune.

Jean-Baptiste del Marmol est l'initiateur de la Rigaudière. Ce jeune agronome de 29 ans travaille aujourd'hui dans les champs par conviction et par passion. Le maraîchage biologique est pour lui beaucoup plus qu'un métier ou un gagne-pain, c'est devenu une façon de vivre ses valeurs et sa spiritualité au quotidien. Lionel Hage, âgé de 25 ans, est lui juriste de formation. Utopiste, créatif, enthousiaste, il a quitté en 2019 le cabinet notarial dans lequel il travaillait pour se consacrer entièrement au développement du projet et à la vente des produits de la ferme.

« J'ai étudié l'agronomie à Huy, par intérêt pour la nature, pour l'environnement et surtout la biologie du sol », explique Jean-Baptiste. « Mes parents étaient agriculteurs mais je n'étais pas particulièrement intéressé par la ferme étant jeune. » Celui qui s'imaginait plutôt évoluer dans le secteur de l'environnement et des oiseaux, qui le passionnent, découvre au cours de ses études l'agriculture biologique. Il s'aperçoit qu'une ferme bio peut être rentable et décide d'en savoir plus en allant travailler deux ans chez un maraîcher. En 2018, il franchit le pas et lance sa propre exploitation. Pour travailler de ses mains, essayer d'avoir un impact positif sur l'environnement mais aussi sur l'humanité.

Une rencontre improbable

Pour démarrer, Jean-Baptiste peut compter sur un fameux atout, un terrain familial d'un peu plus de 2 hectares sur lequel s'installer. Il va alors pouvoir se consacrer à la culture des fruits, des légumes, des plantes aromatiques, ou encore au soin des poules, qui lui offrent à la fois des œufs pour la vente mais surtout de l'engrais pour ses champs. Mais il sait qu'il va avoir besoin d'un associé pour faire connaître son projet, vendre ses récoltes, entrer en contact avec d'autres fournisseurs.

Alors que le projet est sur le point de démarrer, Jean-Baptiste fait la connaissance de Lionel, par l'intermédiaire d'un ami commun. « On s'est donné rendez-vous dans un café et je lui ai raconté mon projet pendant une bonne heure, puis deux ou trois semaines plus tard, il est revenu vers moi pour me dire qu'il était partant », se souvient Jean-Baptiste en souriant.

Lionel Hage ne se voit pas vraiment comme un « commercial ». Il préfère le terme « facilitateur », celui qui fait le lien entre la fourche et la fourchette : « J'ai beaucoup de chance car je vends un produit dans lequel je crois à 200%, qui est d'une énorme qualité, et par ailleurs nous avons une clientèle qui se tourne vers nous par choix. C'est un vrai luxe de pouvoir travailler dans de telles conditions. »

Bio, de saison et local

La Rigaudière touche ses clients par divers canaux. Tout d'abord, on peut simplement venir à la ferme lorsqu'elle est ouverte au public, le mercredi et le samedi après-midi, pour « faire ses courses ». On peut aussi passer par le site de la ferme et composer son panier avec l'offre adaptée semaine après semaine, selon les saisons et les produits disponibles, pour ensuite retirer ses achats dans un point de dépôt. Enfin, Lionel se rend chaque semaine sur plusieurs marchés comme Renaix, Bruxelles ou encore Overijse.

Tout ce qui est vendu par la Rigaudière n'est pas cultivé sur place, mais l'engagement reste le même pour tous les produits : une agriculture bio, des exploitations de petite taille, des structures plutôt familiales : « Le but est d'être complètement transparents à la fois sur la qualité, la fraîcheur et l'origine de nos produits », insiste Lionel. « Jean-Baptiste produit beaucoup de choses, mais il arrive qu'il nous manque quelque chose ou qu'on ne soit pas expert dans tel ou tel légume et qu'on doive faire appel à d'autres producteurs. L'idée est que ces fournisseurs soient dans la même démarche que nous, avec un produit de saison et le plus local possible. »

Laudato Si', source d'inspiration

Pour Jean-Baptiste, il est vital de cultiver la terre sans l'agresser, mais il estime aussi que ce respect du sol passe par le respect de l'être humain : « Je pense personnellement que la sauvegarde de l'environnement ne se fait pas uniquement pour l'environnement lui-même mais pour le bien de l'Homme. L'Homme se soigne en travaillant la terre, en cultivant des produits de qualité, mais aussi en ayant un mode de vie sain. C'est pour cela qu'on parle d'écologie intégrale. »

L'encyclique Laudato Si' du pape François est publiée au printemps 2015. Jean-Baptiste la découvrira plus tard, alors que la Rigaudière a déjà vu le jour, mais pour le jeune maraîcher, c'est un encouragement et une confirmation de ses intuitions : « La lecture de cette encyclique m'a conforté dans les orientations que Lionel et moi prenions ici à la ferme. Elle m'a éclairé sur le fait que les différentes crises environnementales et sociales sont liées entre elles et nécessitent une approche spirituelle et intégrale pour être solutionnées. »

Si la ferme ne dispose pas (encore) d'un programme spirituel particulier, l'intériorité et la méditation font partie du quotidien de Jean-Baptiste : « J'essaie d'adopter un mode de vie rythmé par la prière ; la foi me donne de la joie et de la volonté dans mon travail. Le fait de travailler avec le vivant, dans un environnement naturel, me permet à chaque instant de pouvoir contempler la Création. Il m'arrive régulièrement de prier ou d'écouter des chants religieux pendant mon travail, surtout quand c'est un peu plus difficile. Comme on travaille beaucoup avec ses mains, on a l'esprit libre pour la méditation ».

• Ecoutez l'interview de Jean-Baptiste del Marmol et Lionel Hage dans son intégralité dans le podcast ci-dessous :