Novembre 2017
André FOSSION, Jean-Paul LAURENT, Lire pour vivre. Soixante-dix lectures de textes évangéliques, Lumen Vitae – Editions du CRER, Namur, Paris, 2016.
Le souhait des auteurs est de permettre au lecteur de ces passages évangéliques de devenir l'auteur d'un autre évangile écrit dans sa propre vie. Ils gardent pour cela à l'esprit la situation du monde présent et d'une culture en évolution dans lesquelles les textes évangéliques gardent toute leur pertinence pour une grande diversité de situations. La manière dont les textes évangéliques se présentent est bien respectée. D'abord au sens d'une approche linguistique qui respecte la forme du texte mais aussi pour ce qui est du calendrier liturgique qui propose ces extraits durant l'année ; une table liturgique est d'ailleurs présente à la fin de l'ouvrage. Lisons pour vivre : laissons-nous rapprocher de Dieu quand il nous donne sa Parole et nous pourrons entrer en dialogue avec lui.
Christian REILLE, Un jésuite en terre d'Islam. Autobiographie, préface de Mgr Henri Tessier, postface de Joseph Moingt, Lessius, (Au Singulier), Namur, 2017.
Cette autobiographie livre un riche aperçu de l'évolution de l'Algérie depuis les années 1970. Elle nous livre un témoignage sur la vie d'un chrétien dans un monde qui vit une autre foi. Dans les années qui suivirent Vatican II, le regard sur cette expérience a porté sur une manière de veiller à l'humanité des populations, au nom du Christ, même si cette dernière expression y est très difficile à rendre explicite. Par contre, la vie en communauté de quelques jésuites, leur présence missionnaire discrète dans cette terre d'Islam a fait redécouvrir sa vocation au Père Reille : si c'est la présence d'une Église sans avenir, dans un contexte de tensions et de menaces, chacun doit chercher jour après jour à repenser sa vocation en prenant le Christ comme compagnon.
Denis MÜLLER, Dieu. Le désir de toute une vie, Labor et Fides, Genève, 2016.
Au point de départ, l'auteur insiste sur le lien entre la vie et la réflexion intellectuelle. La preuve est donnée par cet essai où il allie récit personnel et références théologiques. Müller veut redonner une intelligibilité nouvelle au mot « Dieu ». Le désir de Dieu se confond avec le désir d'une compréhension de soi. Müller parvient aussi à contextualiser ce sens de la vie que l'homme se donne ou croit recevoir de Dieu. L'homme est en quête de Dieu mais ne peut en être la mesure. Un débat avec l'athéisme fait relire l'importance de cette recherche, même avec ce qu'une recherche critique fera relier à des données culturelles. Mais elle devra aussi se méfier des belles constructions intellectuelles sur le mot « Dieu ». A relier la vie et la recherche sur Dieu, on doit traverser les ambiguïtés de l'existence, ce qui ne comporte pas de réponses évidentes mais plutôt des tensions à intégrer dans le fil de la recherche. De même qu'on ne peut parler de Dieu comme s'il était un objet indiscutable. Les articulations que demande une théologie trinitaire (Müller se réfère ici à Pannenberg) font sentir la richesse de cette réserve, car le Père, le Fils et l'Esprit demandent d'entrer dans un mouvement à vivre et à penser. Si Müller parle d'un pari en faisant allusion au pari de Pascal, il faut relier ce pari à ce à quoi aspire le coeur de l'homme. Il y a en lui un désir : il dit la trace d'une transcendance qui peut se réfléchir dans l'immanence. C'est à vivre quand l'homme parie, au-delà des doutes, sur l'amour infini de Dieu.
Bart D.EHRMAN, Jésus avant les évangiles. Comment les premiers chrétiens se sont rappelé, ont transformé et inventé leurs histoires du Sauveur, Bayard, traduit de l'anglais par Jean-Pierre Prévost, Paris, 2017.
Spécialiste du christianisme primitif et du Nouveau Testament, Ehrman intègre dans ses réflexions des considérations sur le travail de la mémoire, sur la manière dont un récit peut prendre forme quand quelqu'un a assisté à une scène, en particulier quand des émotions intenses sont présentes. La question se pose toujours de ce que Jésus a vraiment dit et fait, en amont des récits livrés par les évangiles. Voici une piste intéressante pour imaginer ce que pouvaient dire les témoins oculaires et comment une tradition orale a pu se mettre en place pour devenir la source à laquelle ont puisé les évangélistes. On essaie de l'imaginer à partir de données de la psychologie. Le livre présente de manière accessible ce qu'ont pu être les processus de transmission de témoignages et de rassemblement des éléments pour la rédaction. Même si la recherche pour faire le lien entre les faits ultimes et les paroles reçues restera toujours délicate. Ce qu'on disait de Jésus de son vivant est dépassé par ce qui est dit de lui dans l'évangile ; il faudrait alors s'ouvrir à la teneur proprement théologique d'un récit qui veut exprimer l'identité profonde de Jésus. Le livre laisse en attente quant à la manière dont ces témoignages formeraient une tradition en un sens plus riche de spiritualité. Il faudrait, à côté de l'imagination et des souvenirs déformés qui ouvrent le récit au-delà du réel, évoquer la foi qui fait repérer la présence de Dieu dans l'histoire : la résurrection du crucifié y est reçue et demande alors de comprendre bien autrement la réception et la transmission des paroles qui nous le révèlent.
René LAFONTAINE, Martin Luther et Ignace de Loyola, préface de Marc Lienhard, Lessius, (IET, 25), Namur, 2017.
Le Père Lafontaine ajoute avec ce livre une touche ignatienne à la célébration des 500 ans de la Réforme. Il commence par examiner le décret sur la justification publié à Augsbourg en 1999 où il s'agissait de faire se rejoindre avec leur nuance l'interprétation luthérienne et l'interprétation catholique. Il resitue ainsi un débat entre Luther et Ignace de Loyola. Le premier met la foi au centre en gardant des réserves quant à la collaboration de l'homme par des oeuvres de charité. La justification est bien l'oeuvre de Dieu mais la grâce suscite aussi la personne humaine pour qu'elle reconnaisse avec sa raison qu'elle reçoit d'agir par l'amour insufflé dans son coeur et Ignace conduit davantage à ce point. Le Père Lafontaine permet de voir des connivences et des oppositions entre Luther et Ignace de Loyola, pointant une théologie de la Croix chez le premier : il reste chez Luther une vision négative de l'homme qui demande de ne voir sa fierté que dans la Croix du Christ (Ga 6,14). En comparaison, on trouve une théologie de la Résurrection chez Ignace. La liberté chrétienne que magnifie Luther pour celui qui vit dans la foi au Christ prend d'autres accents chez Ignace quand le retraitant est à même de s'approprier les exigences de la loi, de contempler pour demander l'Amour, de s'ouvrir ainsi à l'Amour qui se communique personnellement. On remarquera aussi les ecclésiologies différentes dans les deux courants, le réformateur distinguant trop les dimensions hiérarchique (et donc historique) et charismatique. Après avoir encore tracé les grandes lignes des deux écoles, l'auteur tient à dire leur similitude et la place de leur héritage dans le contexte athée de notre société.
Bruno REGENT, La saga d'Abraham, Fidélité, Namur, 2017.
Bruno Régent a accompagné de nombreuses personnes dans leur parcours spirituel. Il nous propose ici de voir comment ce parcours peut se laisser éclairer par Abraham, le père des croyants. Son expérience des groupes de partage biblique lui montre que des textes qu'on aurait relégués dans le mythe ou la légende les questionnaient dans leur expérience : il ne suffit pas de connaître ces histoires car leur profondeur humaine et spirituelle éclaire l'itinéraire de tous. En témoigne celui qui en dit : « Ces textes me donnaient des mots pour dire quelque chose de ma propre vie. »
Chantal DELSOL, Un personnage d'aventure. Petite philosophie de l'enfance, Cerf, 2017.
L'enfant, vulnérable, est humble avant d'être soi. Les conditions de son cheminement mettent à l'école de ce qu'est l'humanité. L'enfance redit l'unicité de la personne humaine, le respect que l'on doit à un vivant qui demande qu'on l'aime en voulant qu'il soit selon sa propre voie. Cette voie est une aventure faite de la découverte d'un monde que l'enfant devra ordonner avec les repères que les adultes y ont placés. Ainsi sera possible un enracinement dans la réalité. Gageons qu'il puisse recevoir cette réalité avec quelque chose de l'émerveillement d'un premier regard : cela dit bien que cette philosophie de l'enfance a de quoi réveiller en tous une attitude qu'on pourrait dire tenir de la philosophie en tenant de l'enfance.
Laure BLANCHON, Voici les noces de l'Agneau. Quand l'incarnation passe par les pauvres, Lessius, (Donner raison), Namur, 2017.
« L'incarnation est une alliance qui passe par les pauvres et dans laquelle Dieu lui-même se fait pauvre. » C'est un mystère de communion. Le dit une vie donnée généreusement où peut se dévoiler la sollicitude divine. Laure Blanchon qui enseigne la théologie dogmatique et pratique au Centre Sèvres fait entrer dans un riche parcours où se conjuguent des résonances entre relecture de la tradition, médiation de l'Écriture et attention aux voix contemporaines.
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Créé parDiocèse de Tournai