Avril 2018
Ignace BERTEN, Les divorcés remariés peuvent-ils communier ? Enjeux ecclésiaux autour du Synode sur la famille et d'Amoris Laetitia, Lessius, (La Part-Dieu, 31), Namur, 2017.
Ce livre se veut révélateur des tensions entre différentes positions dans l'Église à propos de la discipline sacramentaire visant les divorcés remariés. Comme le sous-titre l'indique il commente la crise évoluant autour de différentes réactions au style pastoral novateur du pape François quant aux implications sur ce qu'est l'Église, sur sa mission et la référence qu'elle est si on évoque une diversité de sensibilités théologiques. L'auteur situe les tenants des options que l'on pourrait caricaturer comme doctrine et vérité, d'un côté, comme regard réaliste sur la vie actuelle et miséricorde, de l'autre. Sera-t-il possible de réduire cette tension dans l'assurance d'une doctrine cohérente alors que le discernement sur des cas particuliers, souvent difficiles, a souvent été source d'enrichissement pour l'intelligence des situations nombreuses ? Le livre resitue les débats présents au synode où le pape François insiste sur la miséricorde comme attitude pastorale qui ne veut pas faire obstacle à Dieu pour les personnes dans des situations dites « irrégulières ».
Ignace Berten situe les camps aux prises, il analyse la progression des débats aux deux sessions du synode et commente l'exhortation post-synodale. L'analyse invite à réfléchir sur l'autorité magistérielle dans l'Église quand, dans Amoris Laetitia, le pape François ne veut pas imposer son point de vue, se veut sensible aux exigences pastorales de la situation présente, où il ne s'agit pas non plus de condamner ceux qui insistent sur une pastorale plus rigoureuse. On en vient alors à demander quel changement le ton d'Amoris Laetitia représente alors qu'il ne remet pas en cause la discipline de Familiaris Consortio. Le souci de la cohérence entre discipline et doctrine est-il tenable avec le respect des personnes et la perspective de leur bien spirituel au-delà du jugement de leur situation ? Ignace Berten insiste sur le besoin d'un changement de la doctrine qui soit en cohérence avec un changement au niveau de la discipline. Sans doute échapper au dilemme entre continuité et rupture suppose d'être prêt à une réforme par fidélité à ce qui est le plus essentiel. L'histoire dira si les crispations que ce genre de débats nourrit laisseront ouverte la possibilité de dire toujours mieux, dans un monde où il y a tant d'amours blessés, à la lumière de la foi, la beauté de la famille et de l'engagement des époux.
Ignace BERTEN, Que penser de ....la théorie du genre, Fidélité (que penser de... ?, 96), Namur, 2017.
Évoquer la question du genre fait vite entrer dans des polémiques dans les milieux catholiques. Depuis des discriminations liées à des rôles socialement définis jusqu'à la proposition d'une société qui élimineraient les différences liées à la condition sexuée, bien des points sensibles sont concernés. En particulier la distinction entre l'approche biologique de la condition sexuée et l'orientation sexuelle, le rapport à l'autre vécu comme homme ou comme femme où l'idée d'un choix possible apparaît. Qui dit polémique dit le risque d'exacerber la suspicion en assimilant le risque de déconstruction de la famille à sa version la plus active dans sa version proprement idéologique. Ainsi le mot « genre » est devenu ambigu et l'idéologie fausse le langage en donnant à travers les mots qui disent la relation sexuée à l'autre une vision transformée de la réalité. Berten fait rapidement le tour de quelques positions ecclésiales ou magistérielles visant l'idéologie du genre. Le dernier chapitre est le lieu de quelques remarques pour un discernement : entre la seule référence à la nature (donc à la biologie avec des cas plus délicats) et le libre choix de son genre, il faut trouver une anthropologie équilibrée où l'exigence d'un discours non discriminatoire pour les minorités n'impose pas de se persuader qu'on peut noyer des différences pourtant riches d'humanité.
Alain THOMASSET, Jean-Miguel GARRIGUES, Une morale souple mais non sans boussole. Répondre aux doutes des quatre cardinaux à propos d'Amoris Laetitia, Cerf, préface de Christoph Schönborn, Paris, 2017.
L'exhortation post-synodale sur la famille, Amoris Laetitia, a entraîné des réactions à l'encontre du pape François suspecté d'aller trop loin sans qu'il ne remette pourtant en cause l'enseignement de saint Jean-Paul II. L'insistance sur la miséricorde et l'invitation au discernement chère au jésuite qu'il est minerait-elle la conformité à la doctrine ? Les doutes qu'ont exprimés quelques cardinaux rejoignent une certaine frange de catholiques soucieux d'une morale catholique intègre. Les auteurs de cet essai se complètent admirablement avec leur parcours et leur sensibilité respectifs. Jésuite et moraliste puisant à la philosophie de Ricoeur, Alain Thomasset complète ce qu'apporte un dogmaticien et patrologue qui se tourne vers des sources plus anciennes. Ainsi on imagine comment le dialogue vise véritablement la vérité dans une profondeur qu'un seul ne peut atteindre. Thomasset entend ainsi dans une première partie de l'ouvrage mener un discernement quant à l'application des normes universelles aux cas singuliers. Il tient à rappeler que les normes et principes tels qu'on en trouve dans Veritatis Splendor, qui menait la chasse au relativisme, ne trouvent leur sens que dans la perspective du bien. Pas de relativisme pour qui cherche à discerner dans la recherche du bien. Garrigues répond de manière similaire aux doutes des cardinaux en voulant dissiper les ambiguïtés que certains semblaient reconnaître dans les propos du pape François. Le discernement pastoral pour l'application à des cas particuliers d'une manière différant donc sensiblement d'une réflexion sur la vérité comme Veritatis Splendor ne signifie pas l'abandon de principes doctrinaux. Garrigues montre d'ailleurs comment la tradition de l'Église, à partir de saint Thomas, a fait valoir la nuance entre un savoir théorique et un savoir pratique qui doit prendre en compte la portée déterminante de l'inclination à un bien dans un choix libre. Il attire aussi l'attention sur le risque pour des théologiens d'une certaines sensibilité de s'approprier ce qui serait la doctrine de l'Église en s'efforçant de rejeter ce qui lui semble contraire alors qu'une approche de foi, attentive à la grâce, ne peut fonctionner par systématisations. Il vaut la peine de rappeler une citation de Péguy qui évoque la morale souple donnant le titre à cet ouvrage : une morale raide n'est pas plus une morale qu'une morale souple qui, exige au contraire un constant
renouvellement du coeur.
Pierre GERVAIS, Les quatre semaines des Exercices spirituels d'Ignace de Loyola, préface de Jean-Marie Hennaux, Lessius, (IET), Namur, 2017.
Pierre Gervais se fait le témoin que la clé herméneutique des exercices spirituels est de les regarder de l'intérieur, en les vivant. Toute son attention va au texte même des Exercices pour montrer comment il peut enseigner et guider le retraitant.
Philippe LECRIVAIN, Les premiers siècles jésuites. Jalons pour une histoire (1540-1814), Lessius, (Au singulier), Namur , 2017.
Philippe Lécrivain prolonge les recherches que John W. O'Malley avait entreprises avec son ouvrage sur les premiers Jésuites. Le présent ouvrage montre comment la Compagnie de Jésus fut présente dans les différents continents en couvrant les périodes qui vont jusqu'à son rétablissement en 1814. Parce qu'ils sont bien du monde, les Jésuites rencontrés par cette étude vont nous faire entrer dans les débats qu'ils ont animés, ils nous feront découvrir les milieux auxquels ils ont été confrontés, les peuples où ils ont été envoyés.
Ramon MARTINEZ de PISON, Le Dieu qui tient parole. Petite histoire du salut pour aujourd'hui, Mediaspaul, 2017.
Faire de la théologie peut effrayer pas mal de croyants. Pourquoi faire ? Pourtant, l'enjeu est important : on se demande comment se passer d'une recherche sur ce qui relie à Dieu ne conduit pas à l'appauvrissement de cette relation vécue qu'est la foi. Pour couvrir les différentes dimensions de la foi, Martinez de Pison part du thème de la puissance de la parole divine. Dans un monde où la qualité de la communication est à surveiller pour dépasser le risque de l'individualisme, il nous invite à mesurer tout ce qu'implique notre conception d'un Dieu dont la Parole est créatrice, initiatrice d'alliance, libératrice, prophétique, d'un Dieu dont la Parole s'est faite chair en Jésus. Il faut aussi mesurer que la parole ne reçoit pas toujours l'accueil nécessaire dans les conditions de vie actuelle.
-
Créé parDiocèse de Tournai