Philippe HENNE, Servir Dieu dans l'armée. Mourir pour le Christ ou l'empereur, Cerf, Paris, 2017, 264 pages, 20 €.

Après avoir consacré un livre à l'attitude des chrétiens face à l'afflux des peuples germaniques (Les invasions barbares, Cerf, 2016), Philippe Henne revient dans le présent ouvrage sur la question de l'usage de la violence. Un soldat peut-il être chrétien, se demande l'auteur. Et si oui, peut-il tuer tout en restant fidèle à son baptême ? Peut-on servir Dieu quand on est dans l'armée ? Professeur de patrologie à la faculté de théologie de l'Université Catholique de Lille, c'est évidemment à partir de sa spécialité que Philippe Henne aborde la question. Un chapitre apéritif présente les visions de l'armée dans l'Ancien et le Nouveau Testament. Centré sur la période des martyrs, le deuxième chapitre montre comment les premiers chrétiens se pensent en défenseurs de la foi, voyant en l'apostasie une désertion. Le troisième chapitre donne la parole à des Pères de l'Église célèbres, comme Tertullien ou Origène, et à des auteurs moins connus, tel Jules l'Africain, officier de l'empereur Septime Sévère. Il en ressort un portrait nuancé des premiers chrétiens, où le pacifisme se teinte d'un solide réalisme. 

Plus long que les précédents, le quatrième chapitre aborde la question des soldats chrétiens martyrisés : Maximilien, Marcellus, Mercure de Cappadoce, Procope de Césarée de Palestine, saint Georges, sont quelques-uns des personnages passés en revue. Les récits, où l'histoire est noyée sous la légende, indiquent l'attrait du peuple pour des soldats figures viriles de la résistance chrétienne à l'oppression. Philippe Henne discute aussi du rapport de l'empereur Constantin à la foi chrétienne et de la christianisation de l'armée. Le cinquième chapitre couvre les IVe et Ve siècle : désormais ouverte aux chrétiens, l'armée n'est plus une institution indigne. Certains se demandent même si la tâche des chrétiens n'est pas de défendre l'Empire contre les nations païennes environnantes. 

Si le concile d'Arles interdit aux soldats chrétiens de déserter en temps de paix, et si Athanase d'Alexandrie ou Ambroise de Milan louent la carrière militaire, de nombreux autres Pères continuent à considérer celle-ci comme honteuse pour un chrétien, car elle conduit à tuer. L'armée est donc considérée par les Pères comme à la fois nécessaire à la paix et dangereuse. 

En annexe, l'auteur présente les commentaires de Pères à propos de deux paroles du Christ (Lc 6,29 et Mt 26,52), de la légitime défense et de l'usage du vocabulaire militaire pour parler de la lutte contre les démons intérieurs. Une bibliographie permettra à ceux qui le souhaitent de poursuivre la recherche.

Philippe Henne offre au grand public un livre d'une grande clarté et d'une belle écriture, sur un sujet peu traité et pourtant très sensible.