Mars 2019
Bernard IBAL, Le paradoxe du bonheur. Christianisme et histoire de la philosophie, Salvator, Paris, 2018.
Penser le bonheur, c'est être confronté à un paradoxe. On vit le bonheur dans l'apaisement et la sécurité, et on le vit aussi dans le don de soi et le risque. Et cela dans tous les aspects de la vie. L'intérêt de la philosophie du bonheur est de discerner si possible les termes de ce paradoxe, en vue d'une prise de conscience qui pourrait orienter notre quête du bonheur. Le livre de Bernard Ibal explore les philosophies sous cette double perspective du bonheur fermeture sur l'Un-Même ou du bonheur ouverture sur l'Autre-Multiple. Le message de l'Évangile fait sortir de cette dialectique. Déjà, penser à qui est Jésus bouscule les catégories que l'homme se fait sur
Dieu. Et ce qu'on peut retenir de son message fait dépasser le paradoxe du bonheur et la difficulté qu'il pouvait représenter pour une existence heureuse. En comparaison des mouvances de l'esprit émanant de la pensée grecque, depuis Platon, Aristote et en passant par le stoïcisme, apparaît avec Jésus un message nouveau. Le propos n'est pas philosophique à proprement parler et il convient de souligner comment la personne et la vie de Jésus sont porteuses d'un enseignement nouveau.
En lui, c'est un Don radical qui est fait pour que le bonheur de l'homme soit dans le don de soi. Il y a un bonheur à donner qui met en question les instincts qui ramènent à soi ou les plus fortes conformités sociales quand l'amour n'y est pas suffisamment présent. D'autre part, le chrétien est interrogé par sa propre mort. Cette mort qu'à la suite de Jésus, il voit autrement à travers le don que Jésus a fait de lui-même.
L'auteur repasse quelques grands noms de l'histoire de la philosophie dans la dialectique du bonheur ouverture et du bonheur repli sécuritaire. Il le fait en situant bien les penseurs dans l'histoire et en élargissant l'éclairage que leur intuition peut apporter aux époques successives. Descartes, Kant, Hegel, Nietzsche, Marx donnent-ils les clés du bonheur ? Que leur manque-t-il quand certains laissent espérer le bonheur dans le progrès de la raison, quand d'autres se méfient de la raison qui ne donne pas vraiment à exister. Freud relance un autre débat si l'homme est pris entre refoulement, sublimation ou cheminement de libération par la cure psychanalytique. Les différents courants de la pensée occidentale n'ont pas manqué de se situer par rapport au christianisme. Mais il manque souvent une part de décentrement au point de vue trop axé sur le sujet humain. L'amour, pour le chrétien, est un Don de Dieu. Recevoir ce Don, c'est en même temps être transi de la force d'aimer pour un bonheur qui se reçoit en surplus.
Martin ROCH, Le Moyen-Âge avant l'aube, Témoins et acteurs d'un monde en mutation, Nouvelle Cité, Bruyères-le-Châtel, 2018.
Au début du XXIème siècle, la lucidité fait constater la fragilité de nos sociétés. Les crises succèdent aux crises. La perspective historique fait ressembler ce temps de remise en question à d'autres temps de basculement. Les civilisations viennent et disparaissent, nous enseigne l'histoire. Jusqu'à quel point ce constat général est-il d'actualité au delà de ce qu'on entend aujourd'hui de promesses de bonheur, de projets utopiques qui tendent parfois à devenir progressivement envisageables. C'est sûr que se glissent dans cette observation de la fragilité des discours catastrophiques dont on sait qu'ils ont toujours de l'audience. L'historien, même avec sa sympathie pour l'époque que des documents lui fait découvrir, respire le même air que ses contemporains. Ce qui veut dire que quand il lira l'histoire, il le fera stimulé par des questions pertinentes pour l'époque qui est la sienne.
Le Moyen-Âge est souvent décrit comme une période sombre, avec des crises. Martin Roch soutient ici une interrogation adressée aux acteurs de la période charnière entre Antiquité et Moyen-Âge central. L'Empire romain décline et apparaissent ceux qu'on appelait les Barbares. L'Église a aussi été affectée par cette transition difficile, toutes les réponses ne sont pas écrites d'avance. Parler d'Aube du Moyen-Âge, c'est viser ce qui s'est joué avant la période qui habite notre imaginaire quand on parle du MoyenÂge, de ses châteaux, de Lancelot ou d'autres chevaliers. Ici, apparaîtront davantage des questions par rapport auxquelles les acteurs de l'époque et en particulier les chrétiens, devront se situer pour donner une nouvelle configuration de l'Europe. Nous voici donc invités à nous plonger dans une époque, et à observer en particulier les idées maîtresses et les pratiques qui contribueront à y édifier la société et à y construire l'Église.
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Créé parDiocèse de Tournai